Si créer une fondation actionnaire, c’est permettre la transmission de l’entreprise en assurant sa pérennité, son indépendance et son ancrage territorial… c’est aussi entreprendre pour le bien commun. Adam adhère et signe. Mais de quoi est-il question ?
Un choix radical, politique et engagé
La fondation actionnaire est une fondation ou une structure assimilée détenant tout ou partie du capital d’une entreprise commerciale ou industrielle. Il s’agit d’un acte de dépossession : les propriétaires de l’entreprise font le choix de se déposséder de tout ou partie de leur capital au profit d’une structure stable, pérenne et d’intérêt général : la fondation actionnaire.
Ainsi, contrairement aux opérations classiques de rachat ou de fusion- acquisition, les parts de l’entreprise ne sont pas vendues mais transmises gratuitement à la fondation. Par définition, celle-ci n’appartient à personne, ne peut ê tre rachetée et le patrimoine ne peut plus revenir à ses propriétaires ou leurs héritiers.
Une double mission : économique et philanthropique
Pérenne par nature, puisqu’une fondation ne peut être ni vendue ni achetée, elle sanctuarise le capital qu’elle détient et protège l’entreprise sur le long terme.
« La fondation qui possède l’entreprise joue un double rôle. C’est un actionnaire stable et de long terme
qui exerce en parallèle une mission philanthropique en soutenant des causes d’intérêt général grâce aux dividendes qu’elle perçoit », précise Virginie Seghers, cofondatrice et présidente de Prophil. Une vision partagée par Jean-Charles et Hélène Rinn.
Une question de fond(s)… et de forme
Sous l’appellation de fondation actionnaire, différents statuts cohabitent : le fonds de dotation, la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) et le fonds de pérennité.
Le fonds de dotation est le modèle retenu par les propriétaires d’Adam. Plus accessible aux PME et aux ETI, il permet d’orienter les dividendes vers des actions philanthropiques.
Sa création, issue de la Loi de Modernisation de l’Économie, date de 2008. « Il s’agit d’une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général » (extrait de la loi).
« Face à un capitalisme trop financiarisé qui s’essouffle, nous proposons, avec la fondation actionnaire, un modèle alternatif permettant un nouveau partage de la valeur », évoque la communauté De Facto que vient de rejoindre Adam. Actionnariat au service du bien commun, philanthropie sur mode entrepreneurial sont les maîtres mots partagés par les entrepreneurs adhérant à ce mouvement.
Le fonds en chœur ou la gouvernance partagée
Avec ce fonds de dotation FAIRE, Adam souligne un modèle de gouvernance qui ouvre une vision nouvelle de l’entreprenariat responsable. « Un modèle alternatif, respectueux des ressources, égalitaire et dans le partage des richesses », soulignent Jean-Charles et Hélène Rinn.
« Il existe d’autres modèles que le modèle néo-libéral. Nous croyons qu’un autre modèle de performance est possible, un modèle au service de l’humain et de la planète, capable de redonner souffle et sens à notre économie et au travail. C’est un outil extrêmement important pour bousculer les habitudes », poursuivent-ils.
La fondation en tant qu’actionnaire a un rôle à jouer dans les organes de gouvernance. Elle peut donc orienter la stratégie de l’entreprise et s’opposer à des décisions contraires à la mission et aux valeurs dont elle est garante.
Adam partisan de ce nouveau modèle de gouvernance implique ses parties prenantes, internes et acteurs du territoire.
« Le fonds de dotation est réellement un outil de gouvernance innovant qui initie une gestion démocratique et partagée, une implication réelle et concrète sur des sujets écologie et accompagnement du territoire », commente Thomas Binet.
« Adam et le PNR sommes dans le même état d’esprit, nourris par le même désir d’innover, d’expérimenter dans une logique de développement durable et de contribuer à faire émerger de nouveaux projets sur le territoire. La capacité de l’entreprise à imaginer, à poser des questions, à se remettre en question, à faire des pas de côté lui permet de voir loin… toujours avec un temps d’avance », confie Aurélie Hocheux, directrice du PNR Médoc.
Au cœur du fonds, la charte d’engagement
Les statuts de la fondation définissent ses missions en tant qu’entité œuvrant pour l’intérêt général.
Pour préciser les pouvoirs « politiques » (droit de consultation, droit de veto…) et « financiers » (droit aux dividendes…) confiés à la fondation, les propriétaires, accompagnés par le cabinet Prophil, rédigent une charte d’engagement pour garantir sur le long terme : les engagements sociaux, sociétaux et environnementaux d’ADAM, le maintien de l’activité industrielle sur le territoire.
Peu connues en France, les fondations actionnaires sont très développées en Europe du Nord. Depuis Pierre Fabre en 2008, premier industriel français à avoir donné la majorité des parts de son entreprise à sa fondation, le modèle se déploie lentement en France. Un mouvement de fonds bien accompagné.
Un mouvement émergent
On compte plus de 1 300 fondations actionnaires au Danemark (Novo Nordisk, Carlsberg ou Velux), plus de 1 000 en Allemagne (Bosch ou Bertelsmann), 1 000 en Suède, près de 200 en Suisse (Rolex ou Victorinox) qui permettent à ces pays de conserver des fleurons industriels.
En France, à partir de 2015, une prise de conscience émerge. Entrepreneurs et pouvoirs publics voient dans la fondation actionnaire un modèle pertinent de transmission des entreprises familiales, de protection du capital, de patriotisme économique et de contribution à l’intérêt général.
A l’origine de la démarche, des entrepreneurs ou des familles visionnaires prêts à se déposséder au nom de l’intérêt collectif. Après le groupe de presse La Montagne en 1979, la fondation Pierre Fabre, créée en 1999, devient la fondation actionnaire franç aise de référence. En 2014, le groupe Avril crée à son tour la Fondation Avril, reconnue d’utilité publique.
Aujourd’hui, une trentaine de patrons ont fait le choix de se départir d’une partie de leurs titres « au profit » d’une fondation actionnaire. Il existe à ce jour environ 25 fonds de dotation actionnaires. « Ça ne va pas plus vite parce que c’est un modèle radical », analyse Virginie Seghers, présidente de Prophil.
… bien accompagné
Ce mouvement ne se fait pas seul : à l’initiative de Prophil, nombre de ces pionniers se sont rassemblés au sein de la communauté De Facto, Dynamique européenne en faveur des fondations actionnaires. Cette communauté a pour vocation d’expérimenter, d’échanger les bonnes pratiques et de promouvoir le modèle, à l’aune des meilleurs exemples européens.
A l’image de ces pionniers : Bureau Vallée, Cetih, Mozaïk, Naos, Archimbaud, Léa Nature, Mediapart… Adam a rejoint ce réseau il y a 2 ans, convaincue « que ce modèle répond aux attentes d’une nouvelle génération d’investisseurs et de collaborateurs, prête à révolutionner les modes de gouvernance et de propriété. Nous souhaitons promouvoir les meilleures pratiques pour les fondations actionnaires pionnières en France et porter un plaidoyer afin d’en faciliter la constitution », pour reprendre les termes du plaidoyer de la communauté.
Si la promotion d’un tel modèle nécessite l’implication des entreprises, il importe aussi de travailler avec les pouvoirs publics.
« C’est un vrai sujet de transmission des entreprises familiales… et de patriotisme économique. Beaucoup d’entreprises meurent au moment de la transmission », commente Virginie Seghers, présidente de Prophil.
Ils l’ont fait, ils le font… et ils témoignent.
Ils sont propriétaires d’entreprises et ont entrepris de créer une fondation actionnaire. Ils parlent transmission, patriotisme économique, valeurs, intérêt général et bien commun. Ils nous en parlent.
Ils sont à fond pour le fonds
Ils ont des parcours, des histoires, des tailles d’entreprises et des activités différents… mais ils se retrouvent tous autour des mêmes questions auxquelles la fondation actionnaire semble pouvoir répondre :
• proposer un modèle pérenne de transmission des entreprises franç aises dans les 10 prochaines années
• encourager le patriotisme économique
• protéger les entreprises et leurs valeurs sur le long terme
• développer un nouveau type d’actionnariat qui allie stabilité et performance
• démultiplier le financement de l’intérêt général
• contribuer à une économie du bien commun
Ils nous en parlent
Léa Nature
« Se déposséder de son vivant n’est pas si facile », partage Charles Kloboukoff, président et fondateur de la Compagnie Léa Nature, une ETI charentaise de plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2022, il décide de transmettre progressivement le contrôle du capital à un fonds de dotation : F.I.C.U.S Fondaction. « Je n’ai pas entrepris pour vendre un jour ma société à un groupe plus puissant. Je souhaite que ma réussite d’entrepreneur permette de partager les dividendes en faveur de causes citoyennes et environnementales » affirme-t-il.
« L’objectif est de protéger l’indépendance et les valeurs de l’entreprise, de garantir son autonomie future, de montrer qu’un autre modèle de performance est possible, au service de l’humain et de la planète » poursuit-il.
« Après la réussite des 20 premières années de Compagnie Léa Nature, nous avons engagé une réflexion familiale autour de « l’entreprise du bien commun ». Avec mon épouse, nous ne voulions pas que nos enfants soient nantis avant d’avoir tracé leur propre chemin » conclut Charles Kloboukoff.
CETIH
Yann Rolland, ex-président et François Guérin, président-directeur général de CETIH, une ETI de plus de 200 millions d’euros de chiffre
d’affaires. Avec leur choix de fondation actionnaire, ils revendiquent l’idée d’un « capitalisme utile ».
« Penser l’entreprise comme un modèle intégrant l’intérêt collectif va de pair avec une gouvernance et un actionnariat plus ouvert », soutiennent-ils. « L’entreprise, par le projet plus universel qu’elle porte, n’appartient pas uniquement à ses actionnaires, mais aussi à ses contributeurs, notamment ses salariés », défendent les deux dirigeants. Yann Rolland, évoque ne pas avoir voulu « pourrir » sa famille avec l’argent provenant de la vente de l’entreprise. « En 1995, j’ai racheté une entreprise de 90 personnes. Je l’ai transmise il y a un an, avec 1 300 salariés et sept usines. Elle valait beaucoup, mais j’avais le sentiment que cet argent ne m’appartenait pas. Traduire le développement d’une telle affaire par une valorisation en euros ou en dollars, n’est, au fond, pas très gratifiant ».
Archimbaud
Pour Jean-Pascal Archimbaud, président du groupe Archimbaud et créateur du Fonds Archimbaud pour l’Homme et la Forêt en 2016, le projet était de protéger et pérenniser l’entreprise tout en soutenant des projets d’intérêt général. « Ce fonds de dotation actionnaire veillera aux décisions stratégiques et soutiendra des projets philanthropiques dans le respect des valeurs entrepreneuriales et humanistes attachées au nom de ma famille », confie-t-il.